Compte rendu du comité musique de la BDP du Jura, mars-avril 2008

Publié le par Bibliothécaires musicaux de Franche-Comté

 

Ø      Anne-Marie H

 

Titre de l'album : Les Boréades

Titre de l'extrait choisi : Contredanse en rondeau

Nom du compositeur des interprètes : Jean-Philippe Rameau, comp. Monteverdi Choir. English Baroque Soloists. John Eliot Gardiner, dir.

Genre musical : Danse, dans un opéra français.

 

Rameau meurt en Septembre 1764, pendant les répétitions de sa dernière tragédie lyrique, Les Boréades, composée en 1763, suite à une commande de l'Opéra de Paris. Les répétitions sont interrompues et l’œuvre va "dormir" pendant ... 219 ans avant d'être donnée au Festival d' Aix en Provence en 1982.

De l'opéra lui-même, je me contente de rappeler qu'il comprend des chanteurs, des danseurs, des effets scéniques spectaculaires, et un livret compliqué, comme d'habitude.

L'extrait choisi conclut le 1er acte. La contredanse est une danse française, de mesure binaire, de mouvement vif et enjoué. La structure en rondeau indique qu'il y a une alternance de couplets et refrain.

Le morceau est très rythmé et se mémorise facilement. Il témoigne du talent de Rameau à composer pour les danseurs.

  

Titre de l'album :Les violences de Rameau

Titre de l'extrait choisi : Le diable et son train

Nom des interprètes : Louis Sclavis Sextet

Genre musical: Entre jazz et musique contemporaine

 

Louis Sclavis est un clarinettiste et saxophoniste de jazz, né à Lyon en 1953. Il a fait ses études musicales au Conservatoire de sa ville natale.

Son Sextet est composé d'Yves Robert au trombone, de Dominique Pifarély au violon, de François Raulin au piano et aux claviers, de Bruno Chevillon à la contrebasse et de Francis Lassus à la batterie.

Le disque sort en 1996. Sa particularité est de prendre appui sur des  extraits d’œuvres de Rameau : Les Boréades, Les Indes Galantes, Dardanus, trois opéras.

Ainsi, l'extrait choisi reprend la contredanse en rondeau, pour la développer, la transformer, bref, la recréer.

Manifestement, le souci premier du Louis Sclavis Sextet n'est pas de savoir dans quelle catégorie musicale on va pouvoir ranger l’œuvre, mais plutôt d'expérimenter dans une continuité de la musique.

C'est pourquoi nous sommes entre un jazz très moderne et la musique contemporaine. Il est possible de signaler que c'est en tout cas une musique très française.

Pour qui aime la musique du XVIIIème siècle français et le jazz et n'hésite pas trop à aller du côté de la musique d'aujourd'hui, Les violences de Rameau méritent le détour et une écoute attentive.

 

Titre de l'album : The story of a castrato, Carestini.

Titre de l'extrait choisi : Aria "Se mi dai morte", de l'opéra Farnace 

Nom du compositeur ou de l’interprète : Leonardo Leo (1694- 1744), comp. Philippe Jaroussky, Le Concert d'Astrée, Emmanuelle Haïm

Genre musical : Opéra baroque

 

Giovanni Crestini (1705- 1760) est l'un des plus grands chanteurs d'agilité après Farinelli. Sa réputation était telle que Haendel composa pour lui à Londres des oeuvres comme Arianna in Creta.

Pour donner une idée de ce que pouvait être le chant des castrats, on peut aujourd'hui recourir à des voix d'altos, comme celle de l'éblouissante Cecilia Bartoli, ou à des voix de contre-ténor, comme celle de Philippe Jaroussky.

Le contre-ténor est un type de voix masculine qui utilise les techniques de la voix de fausset, ou de tête, dont la tessiture correspond à peu près à celle de l'alto. On s'accorde à reconnaître que la voix des castrats devait être plus puissante, plus proche de la voix des femmes. Mais personne ne saurait regretter la disparition d'une voix qui n'existait que par le biais d'une mutilation qui nous paraît monstrueuse.

Et puis la voix de Philippe Jaroussky est si belle…;

Leonardo Leo est un  compositeur napolitain de la 1ère moitié du XVIIIème siècle qui mériterait d'être redécouvert. Il a composé des "opere serie", dont Farnace, mais il est surtout connu pour être un des fondateurs de l'opéra bouffe en dialecte napolitain.

L'aria "Se mi dai morte" s'inscrit dans la tradition des arias da capo (depuis le début) : les vers sont divisés en 2 strophes de caractère opposé. Ici, les 7 premiers vers composent la partie A :

" Si tu me donnes la mort

Non, je n'ai pas de craintes,

Heureux et content

De mon sort

Je saurai mourir,

Tyran barbare,

Monstre cruel"

Ils sont introduits par une ritournelle par l'orchestre au complet. On l'entendra plusieurs fois. Les vers sont chantés, retour à le ritournelle, puis ils sont repris avec des variations nouvelles, très virtuoses.

La partie B, en opposition avec la partie A est beaucoup plus courte :

"Seulement, inhumain,

Je ne saurai souffrir

Que mon  amoureuse

Epouse aimée

Me soit infidèle"

La ritournelle marque la partie A': C'est la reprise de A avec une plus grande ornementation, toujours attendue du public.

On ne peut qu'être ébloui par l'aisance avec laquelle Philippe Jaroussky se joue de toutes les difficultés de l'aria.

Mais saurait-on aujourd'hui écouter tout un opéra seria où abondent ces arias da capo ? Ces airs ont une certaine étendue, ils permettent au chanteur d'exhiber une grande palette d'ornements dans le même numéro, mais ils sont répétitifs et on finira par les écourter.

En fait, ces airs de bravoure étaient liés à la conception que l'on avait des opéras au XVIIIème siècle : Le théâtre d'opéra est un lieu où l'on se rend pour rencontrer des personnes du même monde, discuter affaires, nouer des intrigues et pour écouter cet air par ce castrat, après quoi l'on reprend ses discussions...

Nous sommes très loin de l'écoute que nous avons aujourd'hui d'une oeuvre comme un opéra !

 

Ø      Dominique 

 

Titre de l’album : La Porte plume

Titre de l’extrait choisi : Le Linge de nos mères

Nom de l’interprète : Amélie-les-crayons

Genre musical : Chanson française

Label : Néômme

 

Après « Le Chant des coquelicots » (Cd 6 titres sorti en 2002) et « Et pourquoi les crayons » (2004), Amélie-les-Crayons nous revient avec ce troisième album déjà récompensé par le Grand prix de l’Académie Charles Cros 2007.

Une voix claire, légère, des mélodies sautillantes, des textes tout en finesse , un livret magnifiquement illustré par les pastels de Samuel Ribeyron : un vrai petit bijou !

De la tendresse, de la douceur :  du bonheur à l’état pur !

Pour faire plus ample connaissance avec la demoiselle et sa troupe :

-    Article dans Chorus n°62

-          Le Tour de la question (DVD) (2006) (concert , clips, ..)

-          Site : www.amelielescrayons.com

 

Ø      Christian

 

Titre de l’album : Désert rebel (3ème album 2006)

Nom de l’interprète : Abdallah ag Oumbadougou… collectif

Genre musical : Musique du monde

 

En 2005, sous l’égide de  La Mano Negra, Tryo, I Am, qui partent à la rencontre de Abdallah ag Oumbadougou, au Sahara, Touareg né en 1962, guitariste et autodidacte…

Projet musical lié à la situation au Niger et à la condition des Touaregs, peuple berbère et nomade, que le Mali, le Niger, l’Algérie et la Libye, veulent marginaliser, assimiler.

Abdalllah a été en exil, prison, mais tout au long de la période 1984-1995, il n’a pas arrêté de composer et d’appeler à la rébellion tous les Touaregs en état de combattre. Et dès 1995, date de signature de la paix, se remet à la musique uniquement.

Cet album «Désert Rebel »  est estampillé « Culture équitable » enregistré en studio au milieu des dunes.

Le Collectif « Désert Rebel » veut lancer la réflexion sur la culture équitable par les rencontres culturelles.

Abdallah utilise sa notoriété pour préserver la culture Touarègue et a créé la fondation « Takrit n’tada » pour défendre les jeunes artistes, construire des écoles de musique pour apprendre aux jeunes filles à manier l’inzad, une vièle monocorde touarègue, et également construire deux écoles.

 

Ø      Anne-Marie A

 

Titre du DVD : Jeanne d'arc au bûcher

Nom du compositeur ou de l’interprète : Arthur Honegger (1892-1955), comp. ; Paul Claudel, livret ; Jean-Paul Scarpitta, mise en scène ; Sylvie Testud, Eric Ruf, acteurs ; Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon ; Altinoglu, Alain, Chef d'orchestre. 2006.

Genre musical : Oratorio

 

Oratorio dramatique en 11 scènes avec prologue, créé en 1934.

L’oratorio est un genre musical caractérisé par un drame chanté comprenant plusieurs personnages et souvent un chœur, à sujet généralement religieux. Proche de la cantate, l’oratorio n’est normalement pas destiné à une représentation scénique.

A propos de cette œuvre Honegger écrit «  Quand j’ai composé Jeanne d’Arc au bûcher, j’ai suivi pas à pas les directives de Paul Claudel. Nous avons marché la main dans la main, collaborant au même dessein, qui était d’écrire un ouvrage populaire dans le beau sens du terme, c’est-à-dire capable d’attirer un vaste public de disciplines, de formation, de croyances, de milieux extrêmement divers. C’est à ce public de décider si nous avons échoué ou réussi. » A. Honegger Janvier 1951

Et Paul Claudel en 1939  : « Pour comprendre une vie comme pour comprendre un paysage, il faut choisir le point de vue et il n’en est pas de meilleur que le sommet. Le sommet de la vie de Jeanne d’Arc, c’est sa mort, c’est le bûcher de Rouen. »

 

C’est toute l’œuvre d’Honegger et de Claudel qui tourne autour de ce sommet qu’est la mort de Jeanne, c’est à partir de cette mort qu’elle envisage toute la série des évènements qui l’y ont conduite, sa vocation, sa mission, de Domrémy à Rouen, du chemin qu’elle a parcouru et où l’engageaient des voix irrésistibles… « Cette petite paysanne ignorante qui ne savait signer que d’un croix, tout de même en lettres de sang et d’or » dit encore Claudel.

Ce que dit le metteur en scène Jean-Paul Scarpitta : « Elle revient à la vie pour revivre son histoire. Elle sort des ténèbres. Elle a été sacrifiée, elle a été brûlée. C’est frère Dominique qui lui lit le livre du procès car elle n’a pas compris pourquoi on l’avait brûlée. Elle est tellement innocente… »

Le metteur en scène a voulu infuser la vie intérieure de Jeanne. Jeanne isolée dans des carrés de lumière pour raconter son cheminement, sa vie, …sa vocation, « une révolution pour les âmes » dit encore Scarpitta (on entend les voix qui l’ont guidée à travers la France pour sauver le roi de France).

Frère Dominique est un saint, de la confrérie des prêcheurs, confrérie qui a condamné Jeanne. Il rencontre Jeanne dans l’immensité après qu’elle ait brûlé. Il n’a pas vécu du temps de Jeanne car il est mort en 1221 (Jeanne est morte en 1431 à Rouen). Il vient des cieux pour lui révéler à travers le livre qu’il porte, l’histoire de son procès. Jeanne se demande comment elle a pu en arriver là , elle est encore dans sa crédulité, comment on a pu faire cela contre elle car elle voulait sauver la France.

Ce DVD est magnifique, la mise en scène dépouillée montre l’essentiel, nous permet d’intérioriser le personnage de Jeanne d’Arc joué admirablement par Sylvie Testud. Pour moi c’est une découverte, son jeu est d’une sincérité absolue, d’une immense émotion qui vous donne sans cesse la chair de poule. A découvrir absolument !

 

Ø      Elise

 

Titre de l’album : Je vais bien, ne t’en fais pas 

Nom du compositeur ou de l’interprète : Le duo AaRON

Titre des extraits choisis : du DVD : dans les Bonus, le clip de la BO « U-Turn (Lili) » ; dans le film : « Mister K » ; extrait du CD : « Le Tunnel d’Or »

 

Jeunes versaillais d'origine, Simon Buret et Olivier Coursier débutent l'aventure Aaron en 2004. Chantant essentiellement en anglais, ils commencent à composer quelques titres, partageant la même passion de la musique. En un an, ils se retrouvent avec une vingtaine de chansons, dont  U-Turn (Lili) qui sera utilisée par le réalisateur Philippe Lioret, comme thème principal de son film Je vais bien, ne t'en fais pas. Ballade pop, aux détours sombres et mélancolique, U-Turn (Lili) connaîtra un succès permettant au duo de se faire connaître. En janvier 2007, paraît leur premier album Artificial Animals Riding On Neverland, aux forts accents pop, parfois post-rock, lorgnant vers le rock nébuleux d'Archive en conservant la délicatesse de Radiohead.

Simon Buret est chanteur, auteur, compositeur et Olivier Coursier, compositeur et arrangeur. Le duo français se dévoile au grand public avec un album à l'image de sa musique : sensible, charmante et sincère. L’album, aussi étrange qu’original, se présente comme un recueil d'ambiances sombres, intimistes et poignantes et un ton qui tourne à la mélancolie. Simon Buret conte le non-dit, les à-côtés du quotidien, il laisse place à l’essentiel et aux sentiments du souterrain dans ses textes.

Chose rare, de l’aveu de l’auteur lui-même, tous les textes sont autobiographiques : amour espéré, fantasmé, parfois contrarié, ou même trahi. Notons une reprise « Strange Fruit », dont l’une des interprétations les plus célèbres fut celle de Billie Holiday, qui décrit les lynchages couramment pratiqués aux Etats-Unis dans les années 30-40.

Citations : « Notre musique reflète le monde parallèle de chacun, le refuge où l’enfant intérieur panse le monde qu’il se doit d’endosser ».

 

 

Ø      Philippe

 

Titre de l’album : Hey Hey My My (2007)

Titre de l’extrait choisi : Don’t sell me now

Nom du compositeur ou de l’interprète : Hey Hey My My : Julien Garnier / Julien Gaulier

Genre musical : Pop Rock

 

Les deux Juliens se sont rencontrés à Bordeaux où ils ont partagé études et groupes divers avant de décider en 2005 de croiser le bois des guitares acoustiques dans Hey Hey My My, qui tire son nom d'une chanson de Neil Young parue en 1979. Cette chanson, que Neil Young refuse désormais de jouer depuis que Kurt Cobain en a cité les paroles dans la lettre retrouvée après son suicide, nous incite d'entrée à nous méfier des apparences à l'écoute de ces chansons printanières et mélodiques plutôt deux fois qu'une. Ici, le jeu de l'homonymie entre les deux Juliens est sans cesse contre balancé par la dichotomie entre la partition, en vacances au soleil, et les textes pluvieux et mélancoliques qui les accompagnent. Le groupe s'inscrit ainsi par la démarche, dans une certaine tradition pop, qui des Beach Boys à XTC, pour citer le haut du panier, cultive dans l'aigre douceur une certaine politesse du désespoir en estimant que ce n'est pas parce que l'on est au fond du gouffre que c'est une raison pour casser les oreilles de l'auditeur...

 

Ce premier album éponyme, qui fait suite à un EP dont il reprend d'ailleurs nombre de titres, offre donc une collection de chansons primesautières et mélodiques très agréables à l'écoute, notamment grâce à des voix et doubles voix très instinctives que ne renieraient pas nombre de groupes anglo-saxons. Il est d'ailleurs rassurant à ce propos de constater qu'enfin, après nombre d'erreurs, de reniements et de mauvaise foi, on accepte ici-bas de plus en plus volontiers le choix de la langue de Shakespeare chez les groupes français sans se poser de questions existentielles. Pendant une interminable période, ce penchant légitime fut en effet sacrifié au nom d'une prétendue exception culturelle, comme si la culture hexagonale ne passait que par le filtre des mots, alors que cela n'a jamais posé aucun problème à nos voisins belges, suédois, finlandais, suisses... Heureusement, certaines fortes têtes ont su très tôt s’affranchir de l'affreux Yé Yé sans lui demander son avis. Donné en guise de rock à la France des années 60 comme solde de tout compte, ce malentendu historique (je n’ose dire génétique) a contraint pendant trop longtemps des légions entières de groupes à chanter français sur un rock souvent rendu de ce fait désincarné, bancal et maladroit. Car l’exercice est, il faut bien le dire, très difficile, et l'essai, rarement transformé. Pendant ce temps, des artisans de l'ombre, qu’il faudra bien un jour réhabiliter et reconnaître pour ce qu’ils furent, ont produit dans des bas fonds tortueux rarement éclairés par le soleil de la reconnaissance trois générations de groupes. Bonne nouvelle : Hey Hey My My- qui peut être considéré parmi d’autres talents actuels comme une résultante de cette histoire souterraine et têtue- affiche désormais sans vergogne à la lumière, au travers de son pavillon pop rock, une attitude décomplexée bien naturelle que l’on attend désormais avec impatience de voir plus souvent et de plus en plus.

 

 

 

Publié dans Comités musiques

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